Roberta González (1909-1976)
Roberta GONZÁLEZ, une Artiste « Franc-Tireur »
Roberta poursuit la vocation familiale
J. González, Roberta et Pilar, 1914-18 Dessin de Roberta, 9 ans
(publié dans Les feuilles libres, 1924)
Roberta González est la seule fille de Julio González, née à Paris en 1909. Abandonnée par sa mère, Roberta grandit dans une enclave catalane à Paris. Selon la légende, ses dessins d’enfance sont remarqués par Picasso. Cet ami de longue date de son père était un visiteur fréquent à la maison. En effet, Roberta poursuit la vocation artistique familiale. Son père l’encourage dans ses entreprises créatrices. Il lui disait : « tu seras peintre et tu réaliseras en tant que peintre ce que ni ton oncle, ni moi-même, ne sommes parvenus à exprimer en peinture ».
Roberta entre sur scène
Deux femmes et enfants, 1927 Angoisse, 1936 Visage anguleux, 1937 Sans titre, 1939
Roberta débute sa carrière artistique à la fin des années 1920. Ses œuvres de jeunesse étaient fortement inspirées au niveau de la forme et du fond par celles de son père. Comme lui, des dessins au trait classique représentant des paysans et des maternités, elle passe à un style avant-gardiste, influencé par le cubisme et le surréalisme. Cet art cubo-surréaliste, qui véhicule souvent un sentiment de détresse, correspond au début de la guerre d’Espagne en 1936, que la famille González suit de près depuis Paris. Julio González manifeste rapidement dans son oeuvre sa solidarité pour l’Espagne républicaine et l’affichera devant le monde entier, comme son compatriote, Picasso. Roberta fera de même.
Roberta González et Hans Hartung
Sa première exposition particulière a lieu en 1939 à la galerie Henriette Gomez, à côté du peintre allemand Hans Hartung, un admirateur de Julio González qui fréquente son atelier. Roberta et Hans se marient la même année.
Une carrière interrompue par la guerre
Sans titre, 1939 Vierge douleureuse, 1941 Tia Pilar, 1942
Ensuite, leur carrière respective et leur bonheur sont interrompus par la Seconde Guerre mondiale. La famille González-Hartung quitte le Paris occupé, où Hartung était traqué par les Allemands, pour le Lot. Pendant cette période, Roberta réalise beaucoup de portraits de sa famille, ou alors figures féminines, déformées et éclatées, qui portent les traces de la violence de la guerre.
La guerre est remplie d’épreuves personnelles pour Roberta, et aura un fort impact sur sa vie et son oeuvre. En 1941, Julio González et sa femme, Marie Thérèse, regagnent Paris, afin qu’il puisse reprendre sa sculpture. Roberta ne sera pas présente aux côtés de son père lorsqu’il décède subitement en 1942 à Paris. Par ailleurs, Hartung s’enfuit du Lot en 1943 pour éviter l’invasion nazie. Ils ne se retrouveront avec Roberta qu’après la fin de la guerre.
L’oeuvre introspective d’après-guerre
La supplication, 1945-46 Jeune fille pensive, 1949 Sans titre, 1950
De retour à Paris après la guerre, Roberta poursuit sa carrière. Elle produit une galerie de femmes pensives et mélancoliques. Ces peintures sont à l’image de l’artiste elle-même, éprouvée par les années noires de guerre et dévastée par la perte de son père. Les angles tranchants cèdent la place progressivement aux traits courbes. Elle expérimente également le grattage.
Les premières reconnaissances artistiques
Cette peinture introspective est bien perçue sur la scène parisienne. Roberta fait l’objet à cette époque d’expositions particulières, notamment dans les galeries prestigieuses comme celles de Jeanne Bucher (1948), Collette Allendy (1951), Nina Dausset (1954), et Paul Mary (1955). Roberta remporte une mention dans le cadre du prix Hallmark en 1949, et elle participe aux salons parisiens et aux expositions collectives en France et à l’étranger.
Vers un style personnel
Sans titre, 1952 Léda no. 3, 1952 Tête aux formes aigües, 1956
Au fil des années 1950, elle cherche sa voie artistique personnelle. Elle commence à assimiler l’influence de Hartung, chef de fil de l’Abstraction lyrique, en utilisant une touche plus libre et visible, et un espace moins défini. Elle élabore petit à petit son propre vocabulaire plastique composé de signes abstraits et figurés, comme des oiseaux, des soleils, des masques et des profils, qui cohabitent dans un univers abstrait. Elle cherche aussi à intégrer la couleur dans sa palette assez sombre.
Roberta prend son envol coloré
Les flèches no. 1, 1968
Les heureux citoyens du monde, 1973
Elle atteint son style de maturité à partir de la fin des années 1950 et surtout dans les années 1960, avec des oeuvres colorées et dynamiques, remplie de joie, de poésie et d’humour, à l’image de l’artiste.
La promotion du patrimoine familial
En même temps, elle travaille inlassablement à la promotion de l’œuvre de son père et plus tard, de son oncle. Elle organise des expositions et fait des dons importants de leurs oeuvres à des collections en France, en Espagne et à l’international. Grâce à ses actions de l’époque, son père est aujourd’hui connu au niveau mondial pour son rôle de pionnier de la sculpture moderne.
De retour sur la scène artistique
Roberta González a privilégié la promotion de l’oeuvre de son père au détriment de sa propre carrière tout au long de sa vie. Cependant, depuis quelques années, Roberta Gonzalez est de plus en plus présente sur la scène artistique internationale.
Ses œuvres sont conservées dans des musées et les institutions importants comme le Centre Pompidou Paris, l’IVAM Centre Julio González et la Fondation Maeght.
Roberta González a fait l’objet de deux expositions importantes en 2012, à l’IVAM Centre Julio González et au musée Arts et Histoire de Bormes-les-Mimosas. Roberta González a fait construire une villa moderniste dans ce village de la Côte d’Azur à partir des plans qu’elle avait elle-même dessiné.
Par ailleurs, une dizaine de ses peintures et des dessins des années de la guerre ont figuré aux côtés de celles de son père, et de son premier mari Hans Hartung, dans l’exposition « Picasso et l’exil. Une histoire de l’art espagnol en résistance », qui a eu lieu au musée les Abattoirs de Toulouse du 15 mars au 25 août 2019. En même temps, Roberta González a fait aussi l’objet d’une conférence au Musée de l’Armée à Paris le 15 avril 2019 sur l’impact de la guerre sur sa vie et son parcours artistique.
Nu mélancolique, 1950
Roberta Gonzalez est actuellement représentée au Centre Pompidou Málaga dans le cadre de leur exposition qui retrace un siècle d’art espagnol (« De Miró a Barceló. Un siglo de arte español »).
Bientôt, le public mexicain pourra découvrir l’oeuvre de Roberta Gonzalez lorsque l’exposition « Picasso et l’exil » sera inaugurée au Museo de Arte Moderno INBAL à Mexico (Mexique) dont la date a été pour le moment repoussée suite à la crise du Covid-19.