L’ANGE, L’INSECTE, LA DANSEUSE

1935

Médium: Fer, forgé, soudé

Dimensions: 163 x 45 x 35 cm

Une grande sculpture linéaire représentant le corps humain en mouvement

Connue alternativement par les titres de L’Insecte, La Danseuse, ou  L’Ange—ce dernier titre ayant été attribué à Picasso—il s’agit de la dernière des grandes sculptures linéaires réalisées par Julio González entre 1934 et 1935. Une série numérotée de 19 dessins préparatoires nous permet de suivre le processus créateur jusqu’à la configuration définitive de la sculpture.

Même si tous les dessins de la série sont loin d’une représentation naturaliste, le point de départ se retrouve certainement dans la figure humaine, comme les autres sculptures linéaires de cette période. González se concentre dans ces sculptures sur le mouvement du corps qu’il évoque schématiquement, par le biais de lignes droites et brisées. Celles-ci montrent une similitude avec certains systèmes de notation de mouvements de ballet.

De la danseuse à une créature hybride et fantastique

Dans les premiers dessins préparatoires, la figure se compose de deux sphères de taille égale, l’une représentant l’articulation des hanches, l’autre, la tête. A partir de la sphère représentant les hanches sortent les jambes. Le mouvement de celles-ci est suggéré par la répétition des lignes. Depuis de la sphère de la tête, sortent les bras, et de par cette dislocation, les bras se ressemblent à des antennes d’insecte. Le corps de la danseuse s’incline vers l’avant, et ce mouvement est évoqué moyennant une ligne en zigzag. Dans les derniers dessins et dans la sculpture définitive, la sphère des hanches est beaucoup plus petite que celle de la tête, et la forme se dresse à la verticale, même si le zigzag du tronc est conservé et dupliqué par un autre zigzag dans les jambes.

Les barres de fer de la moitié inférieure de la figure, travaillées, forgées et soudées avec délectation par l’artiste, changent d’épaisseur et se relient par le biais des articulations qui évoquent les pattes pliées d’une mante religieuse. Cette forme semble être sur le point de faire un grand saut vers le haut. Dans les derniers dessins de la série et dans la sculpture finale, Julio González se laisse porter par la métaphore de l’insecte et ajoute des ailes dont la courbure ogivale invertie joue avec les deux barres courbes qui suggèrent le mouvement des pattes. Ce sont ces ailes qui donnent à la sculpture son image caractéristique. A partir de la figure d’une danseuse, le sculpteur s’est transformée en être hybride et fantastique, pleine de résonances qui renvoient d’un côté au monde des insectes, de l’autre, au monde surnaturel.

Des traces d’une poétique surréaliste

Les insectes apparaissent avec une certaine fréquence dans la peinture surréaliste des années 1930, en particulier dans l’oeuvre de Max Ernst et d’André Masson. Dans ces années, l’œuvre de González s’associe parfois au surréalisme. Elle a été incluse, par exemple, en Abstrakte Malerei und Plastik, une exposition présentée à la Kunsthaus de Zurich en octobre 1934, dans laquelle prédominait des artistes surréalistes, en particulier, Max Ernst.

En réalité, le sculpteur catalan n’a jamais accepté de s’affilier à aucun mouvement artistique, et a toujours voulu rester à l’écart des cercles surréalistes. Néanmoins, dans sa production artistique de maturité, on peut remarquer certaines traces d’humour et de fantaisie qui peuvent être considérées comme connexes à une certaine poétique surréaliste. L’Insecte est probablement l’œuvre où ces affinités se font sentir le plus.

L’ange, l’insecte, la danseuse, 1935, MNAM Centre Georges Pompidou

Texte par Tomás Llorens

Traduit de l’espagnol par Amanda Herold-Marme