PERSONNAGE DIT « LA GIRAFE »

1935

Médium: Fer, forgé, soudé

Dimensions: 95 x 16,5 x 17 cm

Malgré son titre, conçu certainement avec un brin d’ironie, le point de départ de cette sculpture est le corps humain, et particulièrement féminin. Construite avec plusieurs barres de fer tordues à la forge aux coups du marteau et soudées avec soudure autogène, La Girafe continue la série de sculptures linéaires de grand format initiée par González en 1934.

Une pose sinueuse et dansante, emblématique du Modernisme catalan

Le noyau central se situe, comme dans les sculptures linéaires précédentes, dans l’articulation des hanches, mais dans ce cas l’artiste délaisse le contrapposto. En évitant le statisme qui caractérise la partie inférieure de ses sculptures antérieures, González infuse la figure avec un mouvement sinueux et ascendant, comme un danseur qui se met sur la pointe des pieds, ce qui rend inapproprié le contrapposto. En concordance avec ce mouvement dansant, le dessin des membres inférieurs de La Girafe se complique avec des courbes qui rappellent les lignes des ferrures décoratives de l’Art Nouveau, ou, pour être plus précis, le modernisme catalan que l’artiste a vécu dans sa première jeunesse. Ce même mouvement ondule et continue dans la partie supérieure, qui s’étire et rétrécit jusqu’à aboutir à une tête sphérique minuscule et des bras levés, réduits aux proportions de deux antennes d’insecte.

Une affinité avec les figures féminines de Miró

La tête minuscule et les bras-antennes en forme de demie lune rappellent les figures féminines que Miró incluait à ces mêmes dates dans beaucoup de ses peintures. Il faut se souvenir que Miró et González ont partagé au milieu des années 1930 le même marchand, Pierre Loeb, même si c’était pour une durée brève. Ils ont aussi participé ensemble à quelques expositions de groupe, par exemple, une collective d’artistes espagnols organisée à la Cité Universitaire de Paris en 1935 et une exposition d’œuvres de González, Miró y Fernández à la galerie Cahiers d’art en juin et juillet 1936, dates qui coïncident approximativement avec les dates de réalisation de La Girafe. Néanmoins, il ne faut pas oublier aussi que nous n’avons pas des preuves directes du contact personnel entre González et Miró et que les affinités entre leurs œuvres sont généralement rares. Les similitudes entre La Girafe et les figures féminines de Miró pourrait être considérée comme une exception.

En accord avec l’influence néo-médiévale du Modernisme catalan

L’élément le plus caractéristique et mémorable de La Girafe est sans doute le grand disc situé directement au-dessus des hanches. Il a la forme d’une grande lentille vide que le sculpteur a rempli progressivement des morceaux hétérogènes de tiges, plaques, vis, etc., unis entre eux par la soudure autogène. Bien que les matériaux soient délibérément pauvres, la recherche de transparence et d’accumulation minutieuse des textures diverses le confèrent un caractère précieux, comme celui des grandes pièces d’orfèvrerie gothique des siècles XV et XVI, une référence qui renvoie au goût néo-médiéval moderniste qui règne à Barcelone durant la première jeunesse de l’artiste.

La Girafe, 1935, MNAM Centre Pompidou Paris

Texte de Tomás Llorens, traduit de l’espagnol par Amanda Herold-Marme