LE BAISER I

1930

Médium: Fer, forgé, soudé

Dimensions: 26,7 x 28,3 x 9,5 cm

Le Baiser, 1930

Fer coupé, poli, soudé, 26,7 x 28,5 x 8,5 cm

Base de résine synthétique original de l’artiste 12 x 12 x 12 cm

Signé et daté à l’arrière, “J. González/1930”

Staatsgalerie, Stuttgart

Deux visages abstraits

Cette oeuvre se compose de deux ovales identiques, faits à partir de platines de fer, vus de face, partiellement superposés ; les axes sont déplacés comme les brins d’un éventail ouvert. Il s’agit de deux visages abstraits qui se fondent en un baiser. Deux têtes maclées. Une volumétrie complexe, suggérée par la superposition de six rectangles de fer de différentes tailles, disposés derrière et devant les ovales. Les plans s’entrecoupent comme dans l’intérieur d’un minéral cristallisé, formant un réseau d’angles dièdres très aigus et obtus. Les volumes sont ouverts, manquants de masse, aériens, imprégnés d’une transparence virtuelle.

Une vocation sculpturale tardive

Le Baiser est une sculpture signée et datée de 1930. Pour González, 1930 est une année cruciale. N’ayant trouvé sa véritable vocation artistique que tardivement, González ne prend la décision de se consacrer exclusivement à la sculpture qu’en 1929, lorsqu’il a déjà 53 ans. Un contrat signé cette même année avec la Galerie de France, dans lequel il leur promet l’exclusivité sur ses sculptures métalliques, réaffirme sa détermination d’être sculpteur. Sa première exposition a lieu en 1930 et comprend reliefs et masques ; la deuxième, au début de l’année 1931, comprend Le Baiser, la première sculpture importante de González.

González – Picasso, une collaboration fertile

1930 est une année très active pour l’artiste. En plus de préparer les œuvres pour sa première exposition de sculpture métallique, González collabore avec Picasso sur une tâche absorbante : la réalisation d’un monument funéraire en mémoire d’Apollinaire. Cette collaboration démarre en octobre 1928 et dure jusqu’en 1932. Elle porte ses premiers fruits dans une sculpture de petit format qui représente un baiser. Celle-ci est configurée aussi comme une cristallisation de deux visages de profil, peints sur deux plans, qui se rencontrent en angle dièdre.  Le concept est semblable à celui de la sculpture qui nous intéresse ici, mais il prend forme de manière radicalement différente. La tête conçue par Picasso et réalisée par González est simple et spontanée, elle est chargée d’une expressivité qui rappelle l’art enfantin ou primitif.

Aux portes de l’abstraction

En revanche, l’œuvre conçue et réalisée par González est complexe et élaborée. Sa géométrie de rectangles et d’ovales la rapproche du purisme et de l’abstraction du groupe « Cercle et Carré ». Effectivement, la première exposition de ce groupe a lieu au printemps 1930, et compte sur la participation de plusieurs amis et connaissances de González, surtout, le peintre Joaquín Torres-García.

Dans la préface du catalogue d’exposition de 1931 dans la Galerie de France, le journaliste et critique d’art Lucien Farnoux-Reynaud définit la sculpture de González comme un art « d’abstention (…) fait d’ascétisme et de spéculation intellectuelle ». Même si González n’est jamais parvenu à s’intégrer dans le groupe « Cercle et Carré », Le Baiser démontre qu’en 1930, il était disposé à s’approcher des portes mêmes de l’abstraction. Ceci étant, rapidement, il allait abandonner ce chemin à faveur d’une voie plus expressive et personnelle.

 

Texte de Tomas Llorens (traduit par Amanda Herold-Marme)