MASQUE MY

1927 -1929

Médium: Fer, forgé, soudé, coupé, courbé

Dimensions: 14,8 x 8,4 x 3 cm

Il s’agit d’un masque frontal, presque plat, fait d’une planche de fer coupée et courbée légèrement. Elle est soudée à une baguette qui la maintient en position verticale, à la manière des masques primitifs exposés dans les vitrines des musées. Une incision en forme de « L », disposée à l’horizontale, crée un creux qui simule l’œil droit. Il n’y a pas d’œil gauche. La moitié gauche du visage a été substituée par un rectangle allongé, soudé lui-aussi à la baguette verticale. Il s’agit de la zone d’ombre, comme nous voyons dans le petit dessin préparatoire réalisé au crayon : un rectangle obscur dans lequel se perdent les détails et même le contour du visage. Un autre dessin préparatoire nous permet de savoir que le point de départ de ce masque est une sculpture égyptienne. L’imperturbabilité énigmatique de l’art égyptien continue à imprégner cette œuvre tellement simple, délicate et, en même temps, monumentale.

 Les masques : un genre de prédilection pour González

Les masques étaient un genre sculptural de prédilection de Julio González. Dès les années 1920, nous rencontrons dans son œuvre un groupe important de masques réalisés au cuivre repoussé. Lorsque, à la fin de cette décennie, il s’embarque dans l’aventure de la nouvelle sculpture en fer, les masques constituent pendant deux ou trois ans la ligne principale de son investigation. Il s’agit de masques de différents types : en un seul plan ou deux, avec des formes coupées comme des ombres intenses créées par le soleil (il les appelle masques “au soleil”), en plusieurs plans disposés en profondeur (“têtes en profondeur”). Masque My appartient à un groupe de masques réalisés en un seul plan et quelques fois en une seule planche de fer. Ils sont généralement très simples et manquent de détails. Il puise son inspiration dans le primitivisme ou l’art archaïque, comme nous pouvons le constater dans l’œuvre en question. Cinq des masques de ce groupe sont signés et datés en 1930. Ceux qui ne sont pas signés et datés sont certainement de cette même année, ou bien un peu avant ou après.

Une modernité nourrie par l’art des sociétés africaines, pré-colombiennes ou océaniques

Les masques des sociétés africaines, pré-colombiennes ou océaniques, dites alors « primitives », sont étroitement liés au développement de l’art moderne. Ils ont été particulièrement importants pour Picasso et Brancusi, deux artistes que González connaissait personnellement et admirait. Il avait collaboré avec Brancusi au milieu des années 1920, et en 1930, il travaillait de près avec Picasso (et ce depuis l’automne de 1928). À cette époque, cet art venu d’ailleurs était en vogue à Paris. En 1928, l’anthropologue et muséologue Georges-Henri Rivière a lancé une série d’expositions consacrées aux sociétés africaines, précolombiennes ou d’Océanie au Musée d’Ethnographie du Trocadéro. Par ailleurs, la revue Cahiers d’art, dont le directeur Christian Zervos était un ami personnel de Picasso et de González, a publié divers articles à ce sujet, tous abondamment illustrés.

Le titre Masque My, qui nous est arrivé par la voie de la tradition familiale des González, se doit probablement au sculpteur lui-même. Il évoque la notion d’une culture africaine. Nous pourrions dire « Masque My » comme nous dirions « masque Fang » ou « masque Senujo ». Néanmoins, il n’existe aucune société ou culture appelée « My ». Il s’agit, encore une fois, d’un jeu d’imagination humoristique de González.

Texte de Tomas Llorens (traduit par Amanda Herold-Marme)