FEMME DITE « LES TROIS PLIS »

1931 -1932

Médium: Fer, forgé, soudé

Dimensions: 125,3 x 27,7 x 16 cm

Une paysanne en ferraille coupée et forgée

Une plaque de fer coupée forme la silhouette frontale d’une femme vêtue en paysanne avec une longue jupe, à laquelle il manque la tête, les bras et les pieds. Est également absent tout le côté gauche de la jupe, plongée, on peut l’imaginer, dans l’ombre. Juste à droite de l’axe vertical de la figure, au bord de l’ombre, l’artiste a soudé verticalement, au moyen de la soudure autogène, trois platines en « L » de longueurs différentes. Il s’agit des trois plis évoqués par le titre de l’œuvre, trois plis verticaux formés dans l’axe central de la jupe par la volumétrie rotonde des jambes. Au-dessus, à gauche de l’encolure triangulaire, une platine fine et étroite, forgée en une succession serrée d’ondes en « S » et soudée à la plaque principale, simule le bord de la robe.

La sculpture est de grandeur nature, ou peut-être, légèrement plus petite. La plaque en fer provient probablement de la ferraille récupérée. Elle se forme de deux pièces unies entre elles-mêmes par un cordon de soudure autogène qui se prolonge horizontalement un peu en dessous de la taille de la paysanne. La silhouette a été coupée de manière à laisser particulièrement visibles les bords tranchants produits par la cisaille. Les lignes de coupe sont rigides et délibérément brutes. Son aspect plat et sa rigidité confèrent à la figure un air archaïque, vaguement égyptien.

Une interprétation innovante d’un thème traditionnel

Le thème des femmes de la campagne plongées dans des scènes rurales est probablement le plus fréquent dans l’œuvre de González. Dans la première moitié de sa trajectoire, les dessins, pastels et peintures consacrés à ce thème sont innombrables. Ils s’inscrivent généralement dans une tradition de scènes rurales dans la lignée de Pissarro, et son traitement stylistique est plutôt conservateur. A la fin des années 1920, lorsque l’artiste abandonne la peinture pour se consacrer définitivement à la sculpture métallique, les scènes campagnardes disparaissent pratiquement de sa production. Il reste, en revanche, comme thème sculptural, la figure de la paysanne isolée. C’est le sujet, par exemple, d’un petit groupe de reliefs en fer réalisés pendant les années 1928-1930. Dans quelques-uns, la paysanne est une mère avec un enfant dans les bras. Ce sont des œuvres de petit format et d’un traitement stylistique puriste. Les formes sont de plus en plus plates et les figures, traitées en silhouettes, anticipent l’œuvre qui nous intéresse ici. Celle-ci, cependant, est plus ambitieuse. Non seulement parce qu’il s’agit d’un format plus grand, mais aussi parce que ses textures matérielles, les coupes et les soudures laissés en état brut se conjuguent avec la rigidité primitiviste de la silhouette ainsi qu’avec l’audace de l’élimination de la tête, des bras, du côté droit de la poitrine et de toute la moitié gauche de la partie inférieure de la sculpture.

Tout l’ensemble de l’œuvre dégage une présence monumentale d’une mémorabilité énigmatique, qui se grave fortement dans l’imagination du spectateur.

Texte de Tomas Llorens, traduit par Amanda Herold-Marme