Roberta González et « Hans Hartung : les années de guerre », Musée Zervos, Vézelay, 14 juillet au 28 octobre 2018

Des oeuvres de Roberta González sont actuellement exposées à Vézelay dans le cadre de l’exposition « Hans Hartung: les années de guerre » au musée Zervos, en partenariat avec la Fondation Hartung-Bergman.

Oeuvres de Roberta González conservées au musée Zervos, présentées dans l’exposition

L’exposition revient sur la création de Hans Hartung, peintre allemand abstrait, pendant les années autour de la Deuxième guerre mondiale. Cette époque correspond aussi à la période pendant laquelle Hartung s’intègre dans la famille González.

Admiratif de son oeuvre, Hartung se présente à Julio González en 1937. En fréquentant l’atelier du sculpteur, il se rapproche de la famille González, y compris de Roberta, fille unique du sculpteur.

Ils se marient en juillet 1939, quelques semaines seulement avant que la France n’entre en guerre contre l’Allemagne et ses alliés. Hans s’éloigne momentanément de sa jeune épouse, puisqu’il entrera dans la légion étrangère quelques mois plus tard.

Hartung en uniforme de légionnaire, Algérie, 1940

Considéré comme un traitre par les Allemands, Hartung rejoint la famille González en zone non-occupée après sa démobilisation en 1940.

Hartung et Roberta González-Hartung, 1942, Lasbouygues
Lola, Roberta, Pilar et Julio González, Lasbouygues, ca. 1941
Photo prise par Hans Hartung

Lorsque les Allemands envahissent la Zone Sud en 1943, Hartung se voit obligé de s’enfuir à nouveau, cette fois-ci en Espagne, où il est incarcéré pendant un temps. Il passe ensuite en Afrique du Nord où il rejoint la Légion étrangère et regagne la France. A la suite d’une blessure dans la bataille de Belfort, où il participe en tant que brancardier, il perdra une jambe.

Cette exposition retrace sa création artistique au fil de ces années noires auprès de la famille González, lors desquelles, malgré la précarité, la pénurie et la tragédie, Hartung, Roberta et Julio poursuivent leurs oeuvres artistiques. Alors qu’une partie de la production de guerre de Hartung montre une continuité avec ses toiles abstraites des années 1930, les têtes figurés ou motifs « gonzaloïdes » qui s’y infiltrent témoignent de l’influence de son beau père sur sa production.

R. González, La supplication, 1945-46

L’oeuvre de Roberta produite pendant la guerre varie entre des portraits réalistes de famille et des femmes implorant ou hurlant, dont les volumes éclatés et les déformations reflètent la violence de la guerre et la détresse du moment. En effet, les épreuves de ces années auront un impact considérable sur Roberta González, notamment la perte inattendue de son père en 1942. Son oeuvre portera l’ombre de la guerre pendant plusieurs années.

Roberta et Hans à Arcueil dans l’après-guerre

Après une longue période de convalescence pour Hartung, le couple retourne enfin à Arcueil, en région parisienne, dans la maison de la famille González, à l’automne 1945. Hartung trouve rapidement un grand succès sur la scène parisienne en tant que chef de fil de « l’Abstraction lyrique. » La critique apprécie la spontanéité et l’expressivité de ses tableaux abstraits, composés de touches visibles et gestuelles.

Quant à Roberta, elle travaille sur une séries de portraits de femmes pensives et mélancoliques, qui sont à son propre image. Petit à petit, dans cette peinture introspective, elle délaisse les déformations et la décomposition cubiste des formes, qui était le synonyme de l’angoisse de la guerre. Elle commence à intégrer les leçons tirées de l’oeuvre de Hartung dans son oeuvre, à commencer par une touche plus gestuelle et visible. Elle introduit aussi le grattage dans son oeuvre. Néanmoins, Roberta garde toujours un lien avec la réalité observée.

R. González, Nature morte au portrait, 1953

Les natures mortes et portraits de femme pensives et hiératiques, côtoyées par des oiseaux, exposées au musée Zervos datent de cette période introspective, lorsque Roberta cherche sa propre voie en tant qu’artiste, et est confrontée à une nouvelle crise dans sa vie personnelle. En effet, ayant retrouvé sa première femme, Anna Eva Bergman, en 1952, Hartung quitte Roberta pour retourner avec elle.

Après leur séparation, Roberta est accueillie chez Christian et Yvonne Zervos à la Goulotte, leur fermette à Vézelay. Les oeuvres exposées, qui font partie de la collection permanente du musée Zervos, ont été réalisées par Roberta à ce moment là, sans doute dans l’optique d’organiser une exposition. Si cela ne se fait pas dans la galerie des Zervos, Roberta fera l’objet d’autres expositions particulières dans ces années là, comme par exemple chez Jeanne Bucher (1948) et Nina Dausset (1954), tout en exposant aussi dans des manifestations collectives en France et à l’étranger. Elle aura une présence discrète mais constante sur la scène parisienne et internationale jusqu’à la fin de sa vie en 1976.